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 |  Écrit par Dre Julie-Anne Gervais, DMV, IPSAV, MSc  |  Article

Antibiogourvernance en chirurgie des animaux de compagnie

Information sur la pratique Pharmacie

Même si certaines procédures comportent un risque plus élevé, toutes les interventions chirurgicales présentent un risque d’infection, même les plus « bénignes » et « de routine ».

Les risques peuvent varier selon l’organe opéré, la procédure ou technique choisie, la santé du patient ainsi que toutes les interventions humaines liées à la chirurgie. Malgré tout, il est impossible d’éliminer complètement les infections des sites chirurgicaux.

Chirurgie

Comment les interventions chirurgicales sont-elles classifiées? Quels sont des exemples de cette classification?

Les procédures chirurgicales sont historiquement qualifiées de propre, propre-contaminée, contaminée et sale. Bien que le risque d’infection soit lié à la « propreté » de la procédure, elle n’est pas suffisante pour expliquer à elle seule tous les risques d’infection.

La chirurgie est : S’il y a/s’il n’y a : Exemples
Propre
  • Pas de plaie
  • Pas de trauma aux tissus
  • Pas d’inflammation
  • Pas de pénétration de viscères
  • Excision lipome sous-cutané
  • Castration
Propre-contaminée
  • Pénétration du tractus respiratoire, gastro-intestinal (à l’exception du colon) ou génito-urinaire sous contrôle (sans contamination ou déversement) 
  • Bris d’asepsie mineur
  • OHE routine
  • Cystotomie
Contaminée
  • Plaie traumatique
  • Pénétration incontrôlée du tractus respiratoire, gastro-intestinal incluant le colon ou génito-urinaire
  • Bris d’asepsie majeur
  • Césarienne
  • OHE pour pyomètre
Sale
  • Perforation de viscères
  • Infection non contenue
  • Grande quantité de tissus dévitalisés
  • Abdomen septique
  • Amputation après trauma majeur

 

Usage d’antibiotiques

La prophylaxie antimicrobienne est un sujet controversé, autant en médecine humaine qu’en médecine vétérinaire, principalement à cause de l’inquiétude sur le développement de résistance aux antimicrobiens et des effets secondaires possibles des antibiotiques. Il est important de se rappeler que l’utilisation d’antibiotiques ne remplace jamais une asepsie adéquate et des mesures de préparation et soins au patient appropriées.

Pour quels types de chirurgies une antibiothérapie prophylactique est-elle indiquée?

L’antibioprophylaxie est souvent, mais pas toujours recommandée lors de chirurgies contaminées et sales, lors de procédures longues (généralement plus de 90 minutes), lorsque des implants sont placés, chez les patients immunosupprimés et lors de certaines chirurgies propres-contaminées ou propres où une infection serait désastreuse ou difficile à traiter, comme si une infection se déclarait à l’intérieur d’une articulation.

Quels sont les grands principes qui guident l’antibiothérapie en prophylaxie?

Tout d’abord, l’antibioprophylaxie est administrée uniquement dans le but de diminuer la charge bactérienne contaminant le site chirurgical pendant la procédure, afin de permettre aux mécanismes de défense du patient d’être efficaces pour prévenir une infection. Elle ne s’applique donc pas aux patients qui ont déjà une infection.

Le moment de l’administration, peu importe la molécule, est primordial. Les niveaux plasmatiques de l’antibiotique doivent être adéquats lors de l’incision, ce qui représente une administration autour de 30 minutes avant le début de la chirurgie pour la majorité des antimicrobiens courants, et doivent être maintenus jusqu’à la fermeture de la peau, ce qui demande souvent une 2e administration pendant la procédure. La seconde administration doit se faire 2 demi-vies après la première, ce qui représente environ une administration aux 90 minutes pour la plupart des antimicrobiens courants.

Comment choisir l'antibiotique approprié?  

La molécule choisie doit être ciblée selon les pathogènes probables qui seront rencontrés durant la chirurgie. Pour la grosse majorité des procédures chez les animaux de compagnie, la céfazoline ou l’ampicilline sont suffisants

Système ou organe opéré Antimicrobiens recommandés en prophylaxie
  • Peau et annexes
  • Cavité abdominale (non digestif)
  • Cavité thoracique
  • Système nerveux
  • Céfazoline
  • Système digestif (sauf colon et rectum)
  • Système urogénital
  • Céfazoline ou ampicilline
  • Colon/rectum
  • Cefoxitine
  • Système hépatobiliaire
  • Cefoxitine ou ampicilline
  • Système orthopédique
  • Céfazoline (sauf fractures ouvertes)
  • Pénicilline potentialisée (fractures ouvertes)
  • Cavité orale
  • Clindamycine

 

Quelle voie d’administration utiliser?

Les antimicrobiens prophylactiques sont administrés par voie intraveineuse afin d’obtenir des concentrations tissulaires appropriées dans un délai acceptable. Pour les procédures orthopédiques entre 60 et 240 minutes, il est adéquat de donner une dose de céfazoline IV et une dose IM en même temps, 30 minutes avant l’incision.

Quelle est la durée du traitement recommandé?

L’administration est limitée à la période chirurgicale dans la plupart des cas. Plusieurs études ont montré qu’il n’y avait pas d’avantage à prolonger la prophylaxie, autant chez les animaux que chez les humains. Bien qu’il existe certaines exceptions, en particulier pour certaines procédures orthopédiques où des implants sont utilisés ou lorsqu’un patient présente des risques particulièrement élevés d’infection, l’administration de prophylaxie antimicrobienne cesse lorsque la procédure est terminée.

Quelles sont les circonstances où leur usage serait déconseillé?

L’antibioprophylaxie est déconseillée pour toutes les procédures où le risque d’infection ne justifie pas l’utilisation d’antibiotiques et pour les situations où une contamination locale et contenue est présente, comme la perforation accidentelle d’un gant. Il est indiqué de remplacer les instruments et matériaux contaminés et d’effectuer plutôt un lavage local des tissus impliqués.

 

Infections postopératoires

Comment reconnaitre et confirmer une infection postopératoire?

Pour les plaies, les signes cliniques compatibles avec une infection sont souvent similaires aux signes d’inflammation. Particulièrement lorsque des écoulements sont présents, une enflure significative ou un œdème significatif et un érythème qui s’étend à distance des bordures d’une plaie, une infection devrait être suspectée. La confirmation de l’infection peut être faite par cytologie et la caractérisation par culture.

Quelles sont les lignes directrices en matière d’utilisation des antibiotiques dans le traitement des plaies infectées?

La priorité est le traitement local, soit par des lavages, excision en bloc de la plaie infectée, application locale d’antimicrobiens directement dans le site d’infection ou par le biais de pansements (miel, alginate de calcium/argent, antibiotiques topiques, etc.). Dans le cas d’infections qui ne sont pas facilement accessibles de manière externe, qui pourraient avoir des conséquences importantes sur la santé de l’animal, qui causent des signes cliniques systémiques ou chez des patients particulièrement immunosupprimés, une antibiothérapie systémique devrait être considérée. La molécule utilisée devrait être choisie selon sa capacité à atteindre le site à traiter et les microbes les plus probables, basé sur une cytologie et/ou idéalement sur une culture.

 

Prévention et recherche de causes des infections postopératoires

Quelle réflexion devrait-on avoir devant un taux élevé d’infection de plaies post-chirurgie?

La première chose à faire est de mettre en place un plan pour la détection, la documentation et le monitoring des infections. Cela permet d’identifier des lacunes potentielles de manière objective. Un suivi des patients en période postopératoire est nécessaire afin de poursuivre le monitoring après la sortie de l’hôpital. Cela peut être aussi simple que de demander aux clients d’envoyer une photo de la plaie de leur animal par courriel à la clinique, à un moment défini de la convalescence, afin de vérifier une progression adéquate de la guérison.

Quelles seraient les solutions à envisager devant un tel constat?

La prévention des infections est toujours la meilleure solution. Afin d’identifier les lacunes et pouvoir les adresser, concentrez-vous sur le rôle du personnel aux différentes phases de la chirurgie (préparation préopératoire, procédure chirurgicale, période postopératoire en milieu hospitalier et à la maison) et sur l’évaluation adéquate des facteurs de risque liés aux patients. Identifiez et documentez toutes les infections, le ou les types de procédures impliqués, le moment où les infections sont diagnostiquées, le personnel impliqué et les facteurs liés à l’anesthésie afin de mettre en évidence les opportunités pour l’amélioration de la prévention.

Quels gestes simples peuvent être posés par l’équipe vétérinaire pour prévenir une infection postopératoire?

Tous les membres de l’équipe vétérinaire ont un rôle à jouer dans la prévention des infections, de l’entretien et l’entreposage des instruments et équipements à l’exécution de la procédure.

Voici quelques recommandations :

  • Se laver les mains, efficacement et souvent
  • Porter des gants pour manipuler les incisions chirurgicales en période postopératoire
  • Améliorer la technique chirurgicale, particulièrement la manipulation des tissus, l’abolition de l’espace mort, la préservation de la vascularisation et le maintien de l’asepsie
  • Garder l’anesthésie la plus courte possible en planifiant adéquatement les interventions et équipements nécessaires
  • Prévenir efficacement l’hypothermie et l’hypotension et, si ces anomalies sont présentes, les traiter rapidement et efficacemen
  • Éduquer les clients sur les interventions recommandées et non recommandées à la maison, particulièrement la prévention de l’autotrauma 

 

Sensibilisation - Antibiorésistance

Est-ce qu’il existe des outils que le médecin vétérinaire peut consulter pour l’aider à utiliser judicieusement les antibiotiques?

En plus des informations offertes par l’Ordre et les différentes associations professionnelles québécoises, d’autres ressources en français sont disponibles :

Pensez aussi à consulter des personnes-ressources que vous avez peut-être rencontrées dans un congrès ou lorsque vous avez assisté à une conférence afin d’obtenir de l’aide pour l’évaluation de problèmes spécifiques à votre établissement.

 

En conclusion

L’antibiorésistance est un phénomène d’actualité dont nous devons nous préoccuper.

Comment pourrions-nous sensibiliser davantage la communauté vétérinaire à ce concept préoccupant?

La réussite passe par l’éducation et la communication, et leur mise à jour régulièrement. La pérennité dans l’application est maintenue par des solutions concrètes qui peuvent être facilement implémentées dans le quotidien des équipes vétérinaires.

Quels seraient vos souhaits pour l’avenir face à cette réalité?

  • Considérer la prévention des infections comme un excellent moyen de limiter l’antibiorésistance
  • Faire une mise à jour régulière des connaissances et techniques de toute l’équipe vétérinaire
  • Se préoccuper des problèmes de résistance pour l’impact direct qu’ils peuvent avoir sur nos patients de toutes les espèces, pas seulement chez les animaux destinés à la consommation humaine
  • Les antibiotiques ne sont qu’une petite partie des outils disponibles pour prévenir et traiter les infections chirurgicales