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 |  Écrit par Ordre des médecins vétérinaires du Québec  |  Article

L’euthanasie assistée qui tourne mal… que doit-on en retirer?

Déontologie, lois et règlements Information sur la pratique

Les médecins vétérinaires et son équipe considèrent l’euthanasie assistée comme l’une des interventions les plus éprouvantes.

Les médecins vétérinaires en pratique sont très souvent appelés à faire des euthanasies assistées et ils s’entendent en général pour dire qu’il s’agit de l’une des interventions les plus délicates qu’ils sont amenés à faire dans l’exercice de la profession, particulièrement lorsqu’il existe une relation médecin vétérinaire-client- patient de longue date.

 

Pourquoi l’euthanasie fait-elle régulièrement l’objet de plaintes au bureau du syndic?

Un nombre important de signalements portant sur le sujet a été déposé au Bureau du syndic ces dernières années même si, en règle générale, chaque médecin vétérinaire, dans le cadre de sa pratique, cherche à obtenir la satisfaction de ses clients et à offrir au public et à ses animaux des services de qualité supérieure quand il s’agit de procéder à une euthanasie. Une analyse des reproches qui sont adressés aux médecins vétérinaires dans le cadre de ces demandes d’enquête a été effectuée afin de mieux comprendre cette situation. Nous avons passé en revue les obligations déontologiques du médecin vétérinaire appelé à agir dans ces circonstances difficiles afin de voir comment améliorer le niveau de satisfaction de la clientèle en regard des services du médecin vétérinaire lors d’une consultation en vue d’une euthanasie. Voici les éléments qui sont ressortis de l’analyse des plaintes déposées au Bureau du syndic qui ont alimenté notre réflexion sur l’euthanasie :

L’émotivité des clients donne souvent le ton au déroulement de la procédure. Cette émotivité et les sentiments du médecin vétérinaire appelé souvent à agir à contrecœur dans ces situations constituent un mélange explosif propice au développement d’une situation de litige. Il s’agirait même selon nous de la pierre angulaire de l’insatisfaction des clients.

En effet, le choix d’euthanasier un animal de compagnie peut donner lieu à une panoplie d’émotions chez les clients confrontés à cette difficile décision : colère, culpabilité, anxiété, peur, chagrin, désespoir, dépression sont les mots qui nous viennent le plus spontanément pour décrire la détresse qu’ils ressentent. Plusieurs propriétaires demeurent ambivalents quant à leur décision, même après avoir donné leur consentement par écrit. Au fond d’eux, ils remettent en question leurs valeurs et leurs droits éthiques de mettre un terme à la vie de leur animal et se sentent coupables. D’autres s’identifient à leur compagnon et ressentent une grande anxiété par rapport à leurs propres vies et mort. On constate également que, très souvent, les propriétaires qui vivent difficilement l’euthanasie de leur compagnon sont des personnes qui ont souvent eu à surmonter des événements personnels difficiles en lien avec le décès d’un être cher. L’euthanasie leur fait alors revivre une grande détresse émotionnelle. Malheureusement, le médecin vétérinaire qui pose devant eux le geste de donner la mort peut être vu comme la personne responsable de leur faire ressentir à nouveau une gamme d’émotions éprouvantes. Bien entendu, les médecins vétérinaires n’ont pas de contrôle sur les émotions de leurs clients. Ils ont également à gérer les leurs, ce qui représente souvent un défi de taille pour certains. Toutefois, nous sommes d’avis que le fait d’accorder à ses clients un peu de son temps dans ces moments difficiles, de faire preuve d’écoute, de sensibilité et d’empathie, contribue à la mise en place d’un climat propice aux échanges rassurants et au renforcement du lien de confiance avec le médecin vétérinaire. De cette façon, les clients sont davantage en mesure de communiquer leurs craintes et leurs appréhensions en regard de la décision même d’autoriser l’euthanasie, mais aussi au sujet de la manière dont le médecin vétérinaire s’y prendra. Planifier un temps approprié à l’horaire est essentiel pour ces interventions. En agissant ainsi, le médecin vétérinaire s’assure également de respecter l’article 8 du Code de déontologie des médecins vétérinaires :

8. Le médecin vétérinaire doit chercher à établir une relation de confiance mutuelle avec son client et s’abstenir d’exercer sa profession d’une façon impersonnelle ou intempestive.

Les clients ont très souvent des attentes et des préférences spécifiques concernant le déroulement de la procédure d’euthanasie.

En ce qui concerne les services professionnels entourant la procédure d’euthanasie, les clients ajustent leurs attentes en fonction d’une expérience passée à laquelle ils ont assisté ou dont ils ont entendu parler par des amis ou des connaissances ayant vécu l’expérience. Régulièrement, les clients puisent de l’information de leurs recherches sur Internet et espèrent que l’intervention qu’ils s’apprêtent à vivre avec leur animal s’approchera le plus de ce que serait, par anthropomorphisme, une mort paisible en plein sommeil. Les clients arrivent donc souvent chez le médecin vétérinaire avec des idées préconçues sur la manière dont les événements devraient ou ne devraient pas se passer. Si la façon dont se déroule l’intervention ne correspond pas à leur vision de ce que doivent être les derniers instants de leur compagnon, un sentiment d’insatisfaction peut naître rapidement. Il est donc important pour le médecin vétérinaire de connaître les attentes de ses clients en regard de la procédure d’euthanasie, afin de pouvoir leur proposer des compromis susceptibles de les satisfaire. Si certains clients veulent pouvoir s’allonger au sol sur la couverture de leur chien jusqu’à son dernier souffle, d’autres pourraient vouloir que l’intervention soit faite sur la table à tout prix. Alors que certains espèrent que tout soit fait le plus vite possible, d’autres préfèrent de loin avoir du temps avant et après la procédure en tête à tête avec leur animal une dernière fois. Le secret pour mieux gérer les attentes des clients est, bien entendu, la communication, puisque le médecin vétérinaire n’est pas devin. Le fait de demander aux clients de préciser leurs attentes et leurs préférences spécifiques quant au déroulement de l’euthanasie tout autant que de s’informer sur l’état de santé de l’animal et ses antécédents médicaux, permet d’éviter bien des désagréments. Le médecin vétérinaire agissant ainsi s’assurera par conséquent de respecter l’article 9.2 du Code de déontologie :

9.2. Chercher à avoir une connaissance complète des faits avant de donner un avis, un service ou un conseil et exposer à son client d’une façon complète et objective la nature et la portée du problème qui découle des faits portés à sa connaissance.

Les clients veulent le plus souvent avoir les explications relatives à la procédure.

Il est essentiel de renseigner les clients sur ce qui va se passer. La sédation est préconisée pour éviter que les animaux soient anxieux, énervés, agressifs ou que leur comportement accentue le stress du propriétaire. La sédation permet de faciliter les manipulations lors de l’injection de barbituriques puisque celle-ci se fait par voie intraveineuse. À nouveau, en demandant aux clients de préciser leurs attentes, il n’est pas rare de constater que ces derniers préfèrent de loin que leur animal soit endormi, voir même inconscient, avant de faire l’injection létale. Le médecin vétérinaire qui explique aux clients sa démarche (première injection intramusculaire de tranquillisant, puis deuxième injection intraveineuse de barbituriques sans douleur, etc.), tout en expliquant les possibles effets secondaires des produits qu’il utilise, s’assure de répondre aux interrogations et veille également à respecter les articles 2.2 et 9.4 du Code de déontologie :

2.2 Favoriser les mesures d’éducation et d’information dans le domaine où il exerce et, dans la mesure du possible, poser les actes qui s’imposent pour que soit assurée cette fonction d’éducation et d’information.

9.4 Informer le client sur la nature des médicaments qu’il prescrit, leurs modes d’administration et de conservation, leur date de péremption, leurs périodes de retrait, le danger que leur utilisation peut comporter et leur disposition sécuritaire.

Si le médecin vétérinaire constate que l’animal ne répond pas de façon escomptée au tranquillisant et que les clients s’attendent à ce que leur compagnon soit davantage tranquillisé, il doit voir à ajuster son protocole de sédation.

Les clients veulent connaître les frais avant d’être confrontés aux faits accomplis.

Lorsqu’il s’agit d’une euthanasie assistée et non pas d’une euthanasie d’urgence, le médecin vétérinaire doit aviser ses clients des honoraires, doit faire signer la feuille d’autorisation et doit convenir avec eux des détails relatifs à l’incinération avant de faire l’euthanasie. Une salle calme devrait idéalement être réservée pour régler les détails et procéder à l’euthanasie afin que les clients s’installent à leur aise et prennent leur temps avec leur animal. Une fois l’acte accompli et les derniers adieux exprimés, les clients souhaitent en général quitter l’établissement sans attendre. En offrant le plus grand respect aux clients dans ces moments difficiles et en obtenant leur accord au sujet de la procédure et des coûts associés, le médecin vétérinaire s’assure de se conformer aux articles 8.1 et 27 du Code de déontologie :

8.1. Le médecin vétérinaire doit, avant d’entreprendre une procédure diagnostique ou un traitement, obtenir du client un consentement libre et éclairé, sauf s’il y a urgence et que le consentement du client ne peut être obtenu en temps utile.

27. Le médecin vétérinaire doit, dès que possible, informer son client du coût approximatif et éventuel des services à rendre et de l’ampleur et des modalités de ces derniers. Il doit obtenir son accord à ce sujet, sauf s’il peut raisonnablement présumer que le client en est déjà informé. Il doit également fournir à son client toutes les explications nécessaires à la compréhension de son relevé d’honoraires et des modalités de paiement.

Les clients veulent qu’on traite aussi leur animal et sa dépouille avec respect et dignité.

Une fois que l’injection intraveineuse est faite, les clients tiennent à ce que le médecin vétérinaire demeure avec eux jusqu’à la fin. Ils veulent avoir la certitude que tout est terminé. Ils tiennent à ce que le médecin vétérinaire ausculte leur animal en leur présence et leur confirme le décès. Une fois la procédure terminée, les clients apprécient les marques de sympathie. De plus, ils jugent essentiel qu’on leur montre le corps de leur animal en douceur et dignement. À cet effet, de petits gestes peuvent être posés qui feront toute la différence dans la perception du public concernant le service rendu, par exemple : en replaçant la langue qui sort de la gueule, en retirant les traces de sang sur le poil, en évitant les sacs de plastique ou les déplacements du corps devant les clients, en veillant à leur offrir ses condoléances et en leur accordant une période d’intimité pour se recueillir en présence de la dépouille de leur animal. En agissant ainsi, le médecin vétérinaire s’assure de respecter l’article 3 du Code de déontologie :

3. Dans l’exercice de sa profession, le médecin vétérinaire doit agir envers toute personne avec courtoisie, dignité, modération et objectivité.

Les clients apprécient un service personnalisé.

Bien entendu, à ce sujet, nous parlons davantage d’amélioration concernant le service à la clientèle que d’obligations en vertu de la réglementation. Toutefois, au travers de nos démarches, nous constatons que les clients, en général, aiment que le médecin vétérinaire qui euthanasie leur animal s’adresse à ce dernier par son nom. Plusieurs sont touchés par l’envoi d’un message personnalisé de sympathie. Beaucoup sont sensibles aux petites attentions qui leur rappellent leur compagnon : poils joliment noués ou empreinte de pattes à l’encre par exemple. Nous attirons votre attention néanmoins sur le fait qu’il faut d’abord que le médecin vétérinaire sache à quel type de client il a à faire, pour ne pas commettre d’impair à partir d’une bonne intention. Ces aspects devraient donc faire partie des informations préalables à discuter afin que le médecin vétérinaire puisse ajuster son offre de service en fonction de chaque client.

 

Conclusion

En conclusion, l’euthanasie assistée fait appel, d’abord et avant tout, au savoir-être du médecin vétérinaire et à sa capacité à se mettre à la place de ses clients pour comprendre le mieux possible ce qu’ils ressentent et pour combler leurs attentes. Bien entendu, certains de leurs souhaits ne pourront pas toujours être exaucés, mais en s’assurant de répondre à leurs questions, en veillant à leur donner les informations concernant la procédure, en validant au besoin leur compréhension, en ajustant si nécessaire le protocole de sédation, en leur accordant dignité et compassion et en les accompagnant au mieux dans cet événement éprouvant, le médecin vétérinaire prend les moyens pour atteindre leur satisfaction.