Passer la navigation du site
pharmacie
Retour à la liste
 |  Écrit par Ordre des médecins vétérinaires du Québec  |  Article

Aiguisez vos sens en matière de gestion responsable d’une pharmacie vétérinaire

Déontologie, lois et règlements Information sur la pratique Pharmacie

Les médecins vétérinaires se sont vu accorder par la loi un privilège important qui n’est pas conféré aux autres professionnels : pouvoir prescrire des médicaments et les vendre.

Pour citer un superhéros arachnide new-yorkais : un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. C’est pour cette raison que le législateur a mis en place des mécanismes permettant de s’assurer que la protection du public soit préservée, en toutes circonstances, quand il est question de gestion de la pharmacie vétérinaire. Il est vital que les médecins vétérinaires s’appuient sur cet encadrement pour développer (et maintenir!) les bons réflexes en matière de gestion et de vente de médicaments.

La prescription de médicaments doit se faire en toute transparence et se détacher de l’apparence de conflit d’intérêts qui risquerait de brimer le public qu’on se doit de protéger. Un client doit pouvoir faire confiance à son médecin vétérinaire, loin de tout soupçon que ce dernier ne prescrive qu’aux fins d’encaisser des profits sur les ventes. L’encadrement déontologique permet d’atténuer cet apparent conflit d’intérêts. Les médicaments peuvent aussi avoir ou générer des répercussions sur la santé des animaux, des humains et de l’environnement. Il est donc impératif que les obligations déontologiques rattachées à la saine gestion de la pharmacie soient appliquées et respectées par les médecins vétérinaires. Divers lois et règlements fédéraux et provinciaux s’ajoutent à ce cadre.

 

La gestion de la pharmacie, c’est du sérieux!

Permettez-nous d’amorcer la réflexion sur la gestion de la pharmacie avec une question : savez-vous combien de règles directement liées aux médicaments sont inscrites dans le Code de déontologie des médecins vétérinaires? Deux? Trois? Vous y allez avec la famille avec une douzaine? Vous donnez plutôt votre langue au chat? Voici la réponse : 20 règles, regroupées en huit articles. Il va sans dire que ce nombre reflète toute l’importance d’une gestion adéquate de la pharmacie vétérinaire.

 

L’intégrité : une valeur phare

Article 9

L’intégrité est au cœur de l’article 9 du Code de déontologie des médecins vétérinaires. En respect de cette valeur professionnelle, le médecin vétérinaire doit notamment ne poser un diagnostic, n’instaurer un programme prophylactique ou ne prescrire des médicaments qu’après avoir personnellement effectué un examen approprié de l’animal ou d’une population d’animaux (article 9.3). En d’autres mots, on vise à s’assurer que le médecin vétérinaire obtiendra une connaissance suffisante des faits et usera de son jugement professionnel avant de prescrire un médicament. Il appartient au médecin vétérinaire d’évaluer la situation et les circonstances et de déterminer ce qui constitue un examen approprié. Notons que la notion de population animale s’applique à toutes les espèces. Qu’ils soient de compagnie, de loisirs ou destinés à la consommation, il est possible de prescrire des médicaments à un groupe d’animaux sans en avoir examiné tous les membres.

 

Bien informer les clients : un devoir incontournable

Le devoir d’information, sur tous les aspects d’un cas, est possiblement l’une des obligations déontologiques les plus importantes pour tout professionnel. Informer le client sur la nature des médicaments qu’il prescrit, leurs modes d’administration et de conservation, leur date de péremption, leurs périodes de retrait, le danger que leur utilisation peut comporter et leur disposition sécuritaire est d’une importance capitale (article 9.4). Bien entendu, un étiquetage adéquat est primordial pour transmettre ces informations, mais l’enjeu est tellement grand qu’il importe également d’en discuter avec le client et de valider sa compréhension.

 

Protéger la santé des animaux, des humains et de l’environnement : un rôle vital

L’utilisation injustifiée ou inappropriée de médicaments est un enjeu de santé animale, de santé publique et de santé environnementale majeur. Il est essentiel de contrôler en tout temps les achats, les ventes, l’entreposage et l’inventaire des médicaments ainsi que de récupérer de manière sécuritaire les médicaments périmés ou inutilisés, pour fins de destruction (article 9.6). Les risques de détournement de médicaments, que ce soit pour un autre animal ou pour un humain, de vol ou de rejet inconsidéré dans l’environnement doivent être écartés.

En tant que professionnel habilité à prescrire et à vendre ces produits, le médecin vétérinaire a un rôle critique à jouer. Bien qu’il soit possible de confier les achats de médicaments à un membre du personnel, le médecin vétérinaire demeure responsable du contrôle des achats et doit effectuer des vérifications régulières de l’inventaire en plus de s’assurer que l’entreposage est sécuritaire. De même, aucun médicament ne devrait être vendu sans l’accord du professionnel. Ce dernier ne devrait fournir que les quantités nécessaires aux traitements prescrits et pour une durée raisonnable, de sorte qu’un suivi efficace puisse être effectué.

La récupération et la destruction des déchets pharmaceutiques pourraient faire l’objet d’une rubrique à part entière. Le législateur a d’ailleurs jugé pertinent de réitérer l’importance du sujet, par l’article 2 du Code de déontologie :

Le médecin vétérinaire doit promouvoir la protection et l’amélioration de la santé publique et de la qualité de l’environnement. Notamment, dans l’exercice de sa profession, le médecin vétérinaire doit collaborer à la récupération sécuritaire des médicaments périmés ou inutilisés, pour fins de destruction (article 2.3). Nous vous invitons à consulter le Guide sur la gestion des médicaments vétérinaires pour obtenir plus d’informations sur les déchets pharmaceutiques.

 

Les médicaments sur ordonnance doivent être vendus… sur ordonnance!

Lorsque vient le temps de vendre des médicaments vétérinaires qui doivent l’être sur ordonnance, il n’y a pas de zone grise; ça prend une ordonnance. Le médecin vétérinaire doit s’abstenir de vendre des médicaments sans ordonnance appropriée s’ils font partie de la liste des médicaments édictée en vertu de l’article 9 de la Loi sur les médecins vétérinaires (chapitre M-8). Sur demande du syndic, d’un syndic adjoint, d’un syndic correspondant, d’un enquêteur ou d’un inspecteur du comité d’inspection professionnelle, il doit en tout temps pouvoir justifier la vente des médicaments effectuée au cours des cinq dernières années avec les ordonnances s’y rattachant (article 7).

Les médicaments sous ordonnance sont répertoriés dans la liste des drogues sur ordonnance de Santé Canada, auxquels s’ajoutent les substances répertoriées à l’annexe IV du Règlement sur les conditions et modalités de vente des médicaments, de juridiction provinciale.

Un médecin vétérinaire doit s’abstenir de prescrire, vendre, donner ou permettre d’obtenir des médicaments, sans raison médicale suffisante ou pour des fins de consommation humaine (article 9.8). Ainsi, un examen de l’animal n’est pas suffisant pour prescrire : il faut prescrire pour une bonne raison. De plus, la prescription d’un médicament à un humain constituerait non seulement une infraction déontologique, mais également une infraction pénale pour pratique illégale de la médecine.

 

Ordonnances : la liberté de choix du client

Article 18

L’article 18 introduit une notion importante pour la protection du public et qui peut contribuer à atténuer l’impression de conflit d’intérêts pouvant être causée par le double rôle de prescripteur-vendeur des médecins vétérinaires. En effet, l’article stipule que le médecin vétérinaire doit respecter le droit du client de faire exécuter ses ordonnances de médicaments ou de traitements auprès du professionnel de son choix. En tout temps, un client doit pouvoir choisir à quel endroit il se procurera les médicaments pour son animal, et ce, sans frais additionnels. Si un médecin vétérinaire facture des honoraires pour rédiger une ordonnance, ces honoraires devront être les mêmes pour tous, que le client achète les médicaments chez lui, ou ailleurs. Cet article soulève souvent des questionnements concernant les frais de prescription et les pharmacies en ligne. À ces sujets, veuillez consulter le Guide sur la gestion des médicaments vétérinaires pour obtenir de plus amples renseignements.

 

Agir avec dignité, en tout temps

Article 45

Le fait pour un médecin vétérinaire de prescrire, vendre, fournir ou administrer des médicaments non approuvés par l’Agence canadienne d’inspection des aliments, pour les biologiques, ou par Santé Canada, pour les autres médicaments, est dérogatoire à la dignité de la profession. L’article 45.8 du Code de déontologie prévoit toutefois les conditions requises pour l’utilisation de préparations magistrales ou de médicaments utilisés pour un usage différent de celui prévu par la monographie.

En bref, un médecin vétérinaire ne peut utiliser que des médicaments qui ont été approuvés par Santé Canada, incluant ceux qu’il utilise en dérogation des directives de l’étiquette, ou en préparation magistrale. La seule façon de pouvoir utiliser ou prescrire un médicament non approuvé par Santé Canada est de procéder à une demande de distribution de médicaments d’urgence. Pour plus d’informations à cet effet, consultez le Guide sur la gestion des médicaments vétérinaires.

Il est aussi dérogatoire d’acheter ou de vendre des échantillons de médicaments (article 45.9). Bien qu’il soit permis de recevoir et d’utiliser des échantillons de la part des compagnies pharmaceutiques ou des distributeurs, le Code ne permet pas à un médecin vétérinaire d’en faire le commerce, c’est-à-dire d’en acheter et/ou de les vendre à un client.

 

Prendre la publicité avec des pincettes

Articles 22, 37 et 38

Quand il est question de publicité en lien avec la vente de médicaments, la prudence est de mise. Plusieurs articles du Code de déontologie traitent de ce sujet. Le but poursuivi est, comme toujours, la protection du public, qui ne détient pas toujours les connaissances suffisantes pour juger de la pertinence d’un traitement. Il est donc notamment interdit à un médecin vétérinaire de :

  • prêter son nom dans le but de promouvoir ou de recommander au public la vente, la distribution ou l’emploi de médicaments ou d’instruments utilisés dans l’exercice de la profession de médecin vétérinaire, ou de promouvoir ou de recommander au public un traitement (article 22)
  • promouvoir la consommation de médicaments ou annoncer ou permettre que l’on annonce en son nom un médicament requérant une ordonnance, sauf si ce message vise l’intérêt et la protection du public (article 37)
  • diffuser au public toute offre de rabais, escompte ou gratuité sur la vente ou la prescription de médicaments (article 38)

 

Une gamme règlementaire pour encadrer la vente de médicaments

Le Code de déontologie des médecins vétérinaires n’est pas le seul à traiter des médicaments. Plusieurs autres règlements en régissent certains aspects, tels le Règlement sur les ordonnances des médecins vétérinaires et le Règlement sur l’étiquetage et l’emballage des médicaments destinés aux animaux. Pour mieux vous y retrouver, n’hésitez pas à consulter le Guide sur la gestion des médicaments vétérinaires.

 

Mot de la fin

En conclusion, bien qu’il soit plus facile et pratique pour le client d’obtenir les médicaments de son animal directement du médecin vétérinaire, et que la plupart lui en sont reconnaissants, ce double rôle de prescripteur et de vendeur peut soulever des interrogations. Ce privilège s’accompagne donc d’importantes obligations visant justement à protéger le public contre tout abus, à le rassurer et à maintenir une bonne image de la profession. Nous espérons que le présent article aura su vous éclairer davantage sur les rôles et les responsabilités du médecin vétérinaire quant à la gestion de la pharmacie et de la vente de médicaments vétérinaires.