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La xylazine à la ferme
Déontologie, lois et règlements Information sur la pratique PharmacieVous avez une question? Transmettez-nous votre question portant sur un enjeu concernant la pratique de la médecine vétérinaire et elle pourrait être publiée, pour aider vos collègues qui font peut-être face au même dilemme!
La question du jour :
Devrait-on laisser de la xylazine à la ferme, pour l’ébourgeonnage? Certains collègues le font, mais je suis très mal à l’aise avec cette pratique.
La réponse en bref : Prudence!
Le bien-être animal est un enjeu important et, bien évidemment, une analgésie appropriée lors de l’ébourgeonnage est primordiale. La xylazine, par ses propriétés sédatives et analgésiques, peut effectivement être un ajout intéressant à un protocole de gestion de la douleur. Elle comporte toutefois des inconvénients et peut causer des effets indésirables significatifs pour l’animal.
La sécurité est un enjeu important. Comme rapporté à maintes reprises dans les médias, la xylazine est de plus en plus souvent mélangée à certaines drogues illicites telles le fentanyl. Chez l’humain, la substance est fortement addictive et provoque un état presque végétatif. À moyen terme, son usage répété entraîne une affection de la peau, des plaies et des nécroses.
La xylazine augmente les dangers de surdose lorsqu’elle est consommée avec des opioïdes et la naloxone, utilisée comme antidote lors d’une surdose d’opioïdes, n’a bien entendu aucun effet sur la xylazine.
C’est pourquoi l’Ordre des médecins vétérinaires a publié un communiqué le 3 avril 2023, recommandant fortement aux membres de traiter cette drogue comme une substance contrôlée, en attendant un éventuel changement de règlementation au niveau fédéral. Des registres d’achat et d’utilisation de la xylazine devraient donc être tenus, et la substance doit être gardée sous clé et à l’abri des regards.
Mais, au-delà des obligations règlementaires, il y a aussi les obligations déontologiques et l’exercice du jugement professionnel.
Déontologiquement, le médecin vétérinaire doit notamment :
- Promouvoir la protection et l’amélioration de la santé publique et de la qualité de l’environnement. À ce titre, il doit faire preuve de prudence dans sa pratique et contrôler en tout temps la gestion des médicaments;
- Informer le client sur la nature des médicaments qu’il prescrit, notamment sur le danger que leur utilisation puisse comporter et proposer des façons sécuritaires de les entreposer et de les utiliser;
- Faire preuve d’une disponibilité et d’une diligence raisonnables, notamment après avoir administré ou prescrit un traitement ou un médicament;
- Faire preuve du plus grand souci de la sécurité de l’animal;
La décision de laisser de la xylazine à la ferme peut être lourde de conséquences tant pour l’animal que pour les humains sur la ferme et elle ne peut pas être prise à la légère.
Considérant les effets indésirables possibles pour l’animal, le risque d’administration accidentelle à un humain (pensons notamment aux enfants) et le risque de détournement de la substance vers le marché noir, le médecin vétérinaire doit soigneusement peser les avantages et les inconvénients et évaluer toutes ses options.
La plus recommandée, qui permet de concilier bien-être animal avec les obligations déontologiques du médecin vétérinaire, consiste à proposer au client de procéder aux ébourgeonnages pendant que le vétérinaire est présent à la ferme pour accomplir d’autres tâches. Il sera alors possible de fournir uniquement la quantité nécessaire, l’administrer et intervenir en cas de problème.
Si un médecin vétérinaire choisit de laisser de la xylazine à la ferme, il doit être en mesure de justifier sa décision et de démontrer qu’il a pris toutes les précautions nécessaires. Il devra mettre en place les mesures lui permettant de contrôler l’utilisation qui en sera faite, par exemple en ne fournissant qu’une petite quantité et en exigeant la tenue de registres, fournir les protocoles adéquats, être disponible pour intervenir en cas de problème et s’assurer que le client entrepose et utilise ce médicament d’une façon sécuritaire. Un inventaire régulier devrait être réalisé par le médecin vétérinaire lors des visites à la ferme.