
Le contrat de travail et les clauses restrictives - ce qu’il faut savoir
Déontologie, lois et règlements Information sur la pratique Tenue d'un établissementDans le monde de la médecine vétérinaire, les contrats de travail jouent un rôle central pour encadrer les relations entre employeurs et vétérinaires salariés.
Ces contrats, bien plus que de simples ententes, définissent les responsabilités, droits et obligations de chacun en plus de prévoir certaines clauses limitant la concurrence. Bien que ces clauses aient une légitimité en droit du travail, elles peuvent se révéler particulièrement restrictives pour les vétérinaires salariés, contraints à accepter des conditions qui peuvent sembler complexes face à leur situation professionnelle et personnelle.
Dans cet article, nous examinerons les enjeux et les limites juridiques des clauses de non-concurrence, de non-sollicitation et de confidentialité dans les contrats de travail. Nous analyserons les conditions de validité ainsi que les outils juridiques dont les vétérinaires et les cliniques peuvent disposer. L’objectif est de mettre en lumière le cadre contractuel auquel font face les vétérinaires et leurs employeurs.
I. Le cadre juridique du contrat de travail et les clauses restrictives
A. Définition et nature juridique du contrat de travail
Le contrat de travail est une entente par laquelle un salarié s'engage à fournir un travail sous la subordination de son employeur, en contrepartie d'une rémunération1. Le contrat de travail doit être conforme à plusieurs lois applicables en la matière, notamment, le Code civil du Québec, la Loi sur les normes du travail, la Loi sur la santé et la sécurité au travail et la Loi sur les accidents du travail et maladies professionnelles.
Parmi ces obligations, on retrouve le devoir de loyauté. Celui-ci impose au salarié de s’abstenir de tout comportement malhonnête envers son employeur ou de nature à nuire à la réputation de ce dernier2. De plus, le salarié doit éviter toute situation de conflit d’intérêts, notamment en évitant de favoriser un concurrent ou de tirer un avantage personnel au détriment de son employeur. L’employeur peut bonifier cette obligation légale à l’aide de clauses restrictives telles que la clause de non-concurrence, la clause de non-sollicitation et la clause de confidentialité.
B. La clause de non-concurrence
La clause de non-concurrence vise à protéger les intérêts légitimes de l’employeur en limitant la liberté des vétérinaires d’exercer leur profession dans une zone géographique spécifique pour une période prédéterminée après la fin de leur contrat. En droit, pour être valide, cette clause doit remplir plusieurs conditions cumulatives. Les critères généralement appliqués sont les suivants3
- La justification par l’intérêt légitime de l’employeur : La clause de non-concurrence doit être justifiée par un intérêt légitime de l’employeur, qui peut consister en la protection de la clientèle, du savoir-faire, ou des informations sensibles de l'entreprise4.
- La limitation dans le temps et dans l’espace : La clause doit être raisonnablement limitée dans sa durée et son périmètre géographique. La clause de non-concurrence doit être analysée en fonction du territoire d’exploitation de l’employeur, et non en fonction du lieu de travail de l’employé5. Dans le cas des vétérinaires, il est raisonnable de considérer que les limitations géographiques peuvent s’étendre sur un rayon de 20 à 50 kilomètres. Toutefois, la validité de cette distance doit être évaluée en fonction des spécificités de chaque situation. De plus, les tribunaux jugent généralement qu’une durée de 12 mois (pouvant aller jusqu’à 24 mois dans certains cas d’exception) après la fin d’emploi est raisonnable. L’analyse étant globale, les tribunaux considèrent que plus les activités prohibées sont nombreuses et le territoire couvert est grand, moins la durée devrait être importante et vice-versa6.
- La proportionnalité par rapport à l’emploi occupé : La clause de non-concurrence doit être proportionnée à la nature des fonctions exercées par le salarié alors qu’il était à l’emploi de l’employeur. Elle ne doit pas restreindre de manière excessive les perspectives de travail du salarié. Ainsi, il est essentiel de préciser et de clarifier les activités visées par l’interdiction7.
- La clarté de la clause : Une clause de non-concurrence doit être rédigée en termes clairs et compréhensibles afin de permettre à l’employé de connaître l’étendue de son obligation de ne pas faire concurrence à l’employeur, et ce, sans avoir à se poser des questions sur le sens donné aux termes utilisés dans la clause8.En cas de non-respect de l'une de ces conditions, la clause de non-concurrence peut être déclarée nulle par les tribunaux, libérant ainsi le vétérinaire de son obligation à l’égard de son employeur9.
C. La clause de non-sollicitation
La clause de non-sollicitation, quant à elle, interdit à un employé de solliciter les clients, distributeurs, fournisseurs, employés et autres partenaires de l’entreprise (ci-après « Personnes »), durant son emploi ainsi que pour une période limitée une fois le lien d’emploi rompu. Si ces Personnes décident de continuer à collaborer avec cet ancien employé, cette situation n’enfreint pas la clause de non-sollicitation. Tant que l’ancien employé ne prend pas l’initiative de les contacter ou de les influencer activement, il n’enfreint pas la clause de non-sollicitation, puisque ce n’est pas sa propre démarche. D’ailleurs, l’employeur ne peut prohiber tout contact et de toute communication entre l’ex-employé et les Personnes10.
Selon un courant majoritaire des tribunaux, une clause de non-sollicitation doit faire l’objet d’une interprétation plus souple, mais doit tout de même respecter les mêmes critères et conditions qu’une clause de non-concurrence, sauf en ce qui concerne la limitation territoriale. En effet, l’absence d’une telle limitation n’est pas fatale à celle-ci11.
De la même manière que pour la clause de non-concurrence, si une de ces conditions est déclarée déraisonnable, la clause tombe.
D. La clause de confidentialité
Par la clause de confidentialité prévue dans le contrat de travail, l’employeur oblige son salarié à ne pas dévoiler les secrets et informations sensibles qu’il détient sur l’entreprise. Cela inclut généralement des données comme les stratégies commerciales, les secrets relatifs aux traitements, les listes de clients, les données financières, les informations sur les produits ou services, et toute autre donnée précieuse pour l’entreprise. Néanmoins, cette obligation existe bien qu’elle ne soit pas prévue dans le contrat de travail12. L’obligation de confidentialité relativement aux informations confidentielles de l’employeur perdure tant et aussi longtemps que les informations demeurent confidentielles.
II. Conclusion
Bien que ces clauses puissent s’avérer restrictives, l’employeur ne peut opposer la clause de non-concurrence et de non-sollicitation s’il a procédé à un congédiement déguisé, soit le fait de modifier substantiellement les conditions essentielles du contrat d'emploi, ce qui a amené l’employé à quitter, ou s’il a lui-même résilié le contrat de travail sans motif sérieux13.
L’employeur qui ne peut se prévaloir d’une clause de non-concurrence, en raison d’un congédiement sans motif sérieux, peut néanmoins invoquer la violation de l’obligation générale de loyauté et de confidentialité14.
III. Recommandations
Ainsi, lors de la signature du contrat de travail, nous vous conseillons de :
- Lire attentivement chacune des clauses/vérifier la validité des clauses;
- Clarifier les points en cas de doute;
- Recueillir l’opinion d’un(e) conseiller/ère juridique;
- Obtenir une copie signée.
1 Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991, article 2085.
2 Id., article 2088.
3 Id., article 2089 alinéa 2.
4 Medisca Pharmaceutique inc. c. De Lisio, 2011 QCCS 2875.
5 Équipement d'essai aérospatial CEL ltée c. Errai, 2021 QCCS 5678.
6 Robitaille c. Gestion L. Jalbert inc., 2007 QCCA 1052.
7 Groupe Soteck inc. c. Mihalache, 2013 QCCS 2993.
8 Drouin c. Surplec Inc., D.T.E. 2004T-649, REJB 2004-60769 (C.A.).
9 Pitl c. Grégoire, 2018 QCCA 1879.
10 Lemieux c. Aon Parizeau inc., 2018 QCCA 1346.
11 Payette c. Guay, [2013] 3 R.C.S. 95, EYB 2013-226461.
12 Supra, note 2.
13 Supra, note 1, article 2095.
14 Girard c. Léonard, (C.A., 2001-02-13), SOQUIJ AZ-01019043, D.T.E. 2001T-248, [2001] Q.J. No. 532 (Q.L.).
Licence de reproduction et de publication électronique
Langlois Avocats accorde à l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec le droit de reproduire et de publier en version électronique notre texte ci-haut mentionné. Toute reproduction de ces éléments, en tout ou en partie, qui n’est pas en accord avec les droits d’auteur, est interdite. Ce texte ne constitue pas un avis juridique et nous en certifions l’originalité.